dimanche 18 avril 2010

À propos de la reconnaissance de la double nationalité aux Congolais d’origine

Afrique Rédaction : Dans l'éventualité de la révision constitutionnelle en République Démocratique du Congo, la problématique de la double nationalité sera certainement soulevée. Qu'en pensez-vous ?
 
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Rappelons que, en République Démocratique du Congo, la nationalité est régie par l’article 10 qui stipule :
« La nationalité congolaise est une et exclusive. Elle ne peut être détenue concurremment avec aucune autre.
» La nationalité congolaise est soit d’origine, soit d’acquisition individuelle.
» Est Congolais d’origine, toute personne appartenant aux groupes ethniques dont les personnes et le territoire constituaient ce qui est devenu le Congo (présentement la République Démocratique du Congo) à l’indépendance.
» Une loi organique détermine les conditions de reconnaissance, d’acquisition, de perte et de recouvrement de la nationalité congolaise. »
 
Afrique Rédaction : Nous aimerions en effet connaître votre point de vue sur ces trois alinéas de l'article 10.
 
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Je m'en doute bien. Disons qu'on peut d’emblée faire trois constats. Primo, l’alinéa 1er de cet article préconise l’unicité et l’exclusivité de la nationalité congolaise. Secundo, l’alinéa 3 définit clairement le Congolais d’origine. Tertio, une loi organique détermine, entre autres, les conditions de perte et de recouvrement de la nationalité congolaise.

D’aucuns savent que la nationalité, c’est l’appartenance juridique et politique d’une personne à la population d’un État. Effectivement, en droit international, chaque pays délivre sa propre nationalité, mais ne peut contester la nationalité octroyée par un autre pays. 
On peut donc détenir plusieurs nationalités, et plusieurs passeports.

D’ailleurs, à travers sa Constitution, la République Démocratique du Congo tient à juste titre à son attachement aux droits humains et aux libertés fondamentales tels que proclamés par les instruments juridiques internationaux auxquels elle a adhéré. C’est ainsi que l’article 45-5 reconnaît aux « pouvoirs publics le devoir d’assurer la diffusion et l’enseignement de la Constitution, de la Déclaration universelle des droits de l’homme, de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, ainsi que de toutes les conventions régionales et internationales relatives aux droits de l’homme et au droit international humanitaire dûment ratifiées ». Or, personne n’ignore que 
le droit à la nationalité est inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme (art. 15) ainsi que dans la déclaration universelle des droits de l’enfant (art 3).
 
Afrique Rédaction : Est-ce que les traités internationaux ratifiés par un pays ont-ils une valeur constitutionnelle ?
 
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Dès lors que le législateur congolais a réaffirmé dans l'article 45-5 son adhésion et son attachement à la Déclaration universelle des droits de l’homme, à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, aux Conventions des Nations Unies sur les droits de l’enfant et sur les droits de la femme, les dispositifs constitutionnels ayant trait au choix entre la nationalité congolaise d’origine et la citoyenneté étrangère détenue par ses nationaux doivent être conformes à ces textes internationaux. Rappelons que l’article 15 la Déclaration universelle des droits de l’homme stipule : « Tout individu a droit à une nationalité. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de changer de nationalité ». Quant aux enfants nés des parents congolais dans un pays régi par le droit du sol, ou dont l’un des parents n’est pas Congolais, l’article 3 de la déclaration universelle des droits de l’enfant est sans aucune ambiguïté : à savoir « dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ».

Par ailleurs, l’alinéa 4 de l’article 10 stipule qu’« une loi organique détermine les conditions de reconnaissance, d’acquisition, de perte et de recouvrement de la nationalité congolaise ». Or, nul n’ignore le caractère non rétroactif d’une loi. De ce fait, cette loi organique ne peut pas s’appliquer aux Congolais d’origine détenant une citoyenneté étrangère avant sa promulgation.
Enfin, dès lors que des Congolais d’origine détenant la double nationalité se sont fait élire au parlement et sont naturellement intégrés dans la haute fonction publique, il serait injuste de refuser cette prérogative à d’autres personnes qui se trouvent dans la même situation. De plus, selon un principe juridique, les faits précèdent la loi.
 
Afrique Rédaction rédaction : Et alors ?
 
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Compte tenu des éléments et des textes évoqués ci-dessus, on peut aisément conclure que l’unicité et l'exclusivité de la nationalité congolaise donne le droit à la République Démocratique du Congo de ne pas reconnaître, conformément à l’article 10-1, la citoyenneté étrangère détenue par ses nationaux. En revanche, au regard du droit international, ce dispositif constitutionnel ne peut en aucun cas priver quelqu’un de sa nationalité congolaise d’origine, ni l’obliger à renier sa citoyenneté étrangère. De ce fait, l’alinéa 1er de l’article 10 doit être révisé afin de permettre la double nationalité aux Congolais d’origine.

 
(*) Gaspard-Hubert Lonsi Koko est président d'Union du Congo (UDC) et porte-parole du Rassemblement pour le Développement et la Paix au Congo (RDPC).

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