mercredi 17 avril 2013

Ahmadinejad sur les traces de Jinping et dans la peau de Chavez ?

La tournée africaine du président iranien en Afrique de l’Ouest n’est pas le résultat d’une simple curiosité touristique[1].Les entretiens de Mahmoud Ahmadinejad au Bénin, au Niger et au Ghana ont plutôt trait aux affaires et au renforcement de la coopération Sud-Sud. Sur les traces de son homologue chinois, Xi Jinping, le président iranien a séjourné du 14 au 17 avril en terre africaine. Paria aux États-Unis et en Israël, il a mené une offensive diplomatique en direction de l’Afrique, continent placé au cœur de la géostratégie du troisième millénaire.

Photo : eyair/ Flickr
« Rien d’important ne peut venir du Sud. L’axe de l’histoire commence à Moscou, va à Bonn, traverse vers Washington, puis se rend à Tokyo. Ce qui se passe dans le Sud n’a pas d’importance. » Au regard de l’ampleur qu’est en train de prendre l’axe Sud-Sud, semble-t-il, cette affirmation de l’ancien Secrétaire d’État américain aux affaires étrangères, Henry Kissinger, est de moins en moins vraie.

Visite à Cotonou

Les présidents béninois, Boni Yayi, et son homologue iranien, Mahmoud Ahmadinejad, ont renforcé la coopération bilatérale entre le Bénin et l’Iran par le truchement d’une signature de cinq protocoles d’accords de coopération en vue la création des conditions nécessaires à une paix durable dans la région sahélo-saharienne[2]. Dans la même optique, les deux dirigeants ont insisté sur la mise en œuvre des accords déjà conclus entre les deux pays. Ils ont ensuite donné des orientations pour finaliser les discussions engagées dans les différents secteurs de coopération, par la mise en place des projets d’intérêts communs. Ainsi se sont-ils réjouis de la création d’une commission mixte de coopération concernant la concrétisation des projets évoqués[3]. La visite du président iranien à Cotonou, avant Niamey, n’est pas du tout le fait d’un simple hasard. Effectivement, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), l’uranium du Niger, pays enclavé, est exporté via des ports béninois essentiellement vers la France.

Séjours au Niger et au Ghana

Le président iranien a séjourné pendant 48 heures au Niger dans l’espoir de décrocher un contrat d’uranium. Mais, officieusement, la tentative iranienne n’a pas abouti au résultat escompté. Même si dans le communiqué conjoint qui a marqué la fin de la visite officielle au Niger du président iranien Mahmoud Ahmadinejad, le mot uranium ne figurait pas, nul n’ignore les besoins énergétiques de l’Iran à propos de son programme nucléaire. Le président Mahamadou Issoufou a-t-il préféré ne pas s’attirer les courroux de ses principaux partenaires occidentaux, notamment la France ? En effet, selon le chef de la diplomatie nigérienne, Bazoum Mohamed, la vente d’uranium répond à des normes internationales. Mais le président iranien n’a pas forcément oublié que les autorités de Niamey avaient critiqué, fin 2012, le partenariat avec le groupe français Areva[4] et ont réclamé des retombées plus importantes. On doit avoir également à l’esprit la visite du ministre nigérien des Affaires étrangères à Téhéran en février dernier.
La tournée du président Mahmoud Ahmadinejad s’est poursuivie au Ghana, qui est un important producteur d’or et de cacao et de pétrole. Cela n’a fait que confirmé, au-delà de l’aspect géostratégique, la dimension économique qui pousse l’Iran à marcher sur le sillage de la Chine dans le but d’évincer les Occidentaux du continent africain.

Radicalisme chavezien et fibre tiers-mondiste

Il est à noter que Mahmoud Ahmadinejad a signé beaucoup d’accords de partenariat avec ces trois pays d’Afrique de l’Ouest. Ces partenariats concernent surtout l’aide au développement, car Téhéran a bien voulu se montrer généreux et soucieux de l’avenir des pays africains. Le président iranien s’est présenté en bailleur de fonds anti-américaniste, de surcroît anti-israélien. Tenant absolument à combler le vide laissé depuis la mort du vénézuelien Hugo Chavez, s’agissant de l’adversité contre les Occidentaux et les Israéliens, il a espéré trouver des alliés dans les pays africains qui sont à la fois membres des Nations Unies, de la Conférence des pays islamistes et du Mouvement des Non-alignés[5].De toute évidence, l’Iran, à l’instar de la Chine, est en train de jouer sur la fibre tiers-mondiste pour contrecarrer l’axe Nord-Sud. De plus, la technologie n’est plus, de nos jours, le seul apanage des pays occidentaux dont l’économie est confrontée à une crise majeure. Par ailleurs, cette visite africaine montre l’échec de l’isolement diplomatique du président iranien imposé par les Occidentaux.

Gaspard-Hubert Lonsi Koko

Source : Jolpress

À lire aussi :

- Les raisons de la tournée africaine de Xi Jinping.

Notes :
[1] Sa dernière tournée en Afrique remonte à 2010.
[2] Il est plus précisément question des protocoles d’accords relatifs à l’octroi au Bénin d’un crédit fournisseur, au domaine de la coopération minière, aux secteurs pétrolier et énergétique, ainsi qu’à l’appui institutionnel au ministère béninois des Affaires étrangères.
[3] Notamment dans les domaines de l’économie, de l’éducation, de la sécurité publique et de la protection civile, de la santé, de l’agriculture, de l’énergie et des mines, de l’aide publique au développement, ainsi que du secteur privé.
[4] Cette entreprise exploite l’uranium depuis plus de 40 ans dans le Nord du pays.
[5] L’Iran s’est aussi rapproché de la Mauritanie, du Sénégal et du Nigeria, même si les relations avec Dakar et Abuja ont connu des hauts et des bas.

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