mardi 9 avril 2013

La RD Congo face au macabre tango des Grands lacs

Les pourparlers censés mettre fin aux affrontements armés dans l’Est de la République Démocratique du Congo, entre les forces gouvernementales et les rebelles du M23, ont repris le lundi dernier sur les rives du lac Victoria dans la capitale ougandaise. Pour le ministre ougandais de la Défense, le médiateur Crispus Kiyonga, même si le Conseil de sécurité des Nations Unies a approuvé la mise sur pied d’une brigade d’intervention, les rebelles du M23 sont toujours engagés aux pourparlers. Ainsi a-t-il défendu la nécessité d’un processus politique pour résoudre la crise congolaise.

Quid de l’accord-cadre d’Addis-Abeba ?

Dès lors que la mission de la brigade d’intervention de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en République Démocratique du Congo (Monusco) consiste à traquer et à mettre hors d’état de nuire les forces négatives dans la région du Kivu, conformément à la résolution 2089[1], on ne peut que judicieusement s’interroger sur la nécessité de la poursuite des pourparlers de Kampala. Les parrains du M23 étant signataires de l’accord-cadre d’Addis-Abeba[2], ils ne peuvent que respecter la souveraineté de leur voisin. De plus, ledit accord-cadre a mis de facto un terme à la médiation menée par le président ougandais Yoweri Museveni. En conséquence, au vu des arguments évoqués supra et dans l’attente de la nomination d’un Haut représentant des Nations Unies, il revient désormais au secrétaire général des Nations Unies et à la présidente de l’Union africaine d’impulser, en concertation avec le gouvernement congolais, toute initiative politique relative à la stabilisation de la région du Kivu.

Un pas en avant, deux pas en arrière

La supranationalité ne concerne-t-elle que, en réalité, la seule République Démocratique du Congo ? À peine mis en place, mais déjà violé, l’accord-cadre d’Addis-Abeba a fait long feu. Triste constat ! La poursuite des pourparlers de Yoweri Museveni s’apparente en effet à un tango des Grands lacs car le pas fait en avant, grâce aux engagements pris le 24 février 2013 dans la capitale éthiopienne, est tout de suite suivi de deux autres pas en arrière à cause de la reprise des pourparlers de Kampala ainsi que de l’envoi par l’Ouganda et le Rwanda des éléments armés en soutien aux affreux hommes de Sultani Makenga[3]. D’aucuns voient, à travers cette menace, la volonté manifeste de Yoweri Museveni et Paul Kagamé d’imposer leur dernière volonté à Joseph Kabila, pour miner davantage le terrain avant l’implantation de la brigade d’intervention sur le terrain.
Comment la diplomatie congolaise peut-elle cautionner, au moment où le rapport de force lui est enfin favorable, une telle mascarade qui consiste à se tenir par la barbichette et à donner une tapette au premier qui rira ? Comment la classe politique congolaise, toutes tendances confondues, peut-elle rester indifférente à une attitude qui risque de fragiliser encore plus la souveraineté nationale ? Il va donc falloir obtenir la nomination dans l’urgence d’un Haut représentant des Nations Unis et doter le mécanisme de suivi régional d’un outil en mesure de sanctionner tout manquement. Dans le cas contraire, le tango des Grands lacs se transformera en un ballet macabre qui – sur la base des violences sexuelles, du pillage et d’expropriations – s’exécutera sur les corps meurtris et la déshumanisation des Congolais.

Gaspard-Hubert Lonsi Koko

Source : Jolpress

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Notes :
[1] Adoptée à l’unanimité, sous la présidence russe, le 28 mars dernier.
[2] Signé le 24 février 2013, sous l’égide des Nations Unies, par les pays des Grands Lacs, de la SADC et de l’Afrique centrale.
[3] En effet, des soldats rwandais et ougandais, contrairement au processus politique évoqué par le ministre rwandais de la Défense pour justifier la poursuite des pourparlers de Kampala, auraient traversé de nouveau la frontière congolaise. Cette incursion a été constatée dans le territoire de Rutshuru par la société civile du Nond-Kivu.

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